Rédaction
25 octobre 2004

Les thèmes de la campagne présidentielle sont graves, mais les humoristes américains s'en donnent à coeur joie comme jamais, offrant à la télévision un mélange de légèreté et de salves décapantes. Dans un pays où l'auto-dérision est de rigueur en politique, les candidats eux-mêmes se prêtent tant bien que mal à l'exercice. "Question humour, je donnerais cette année une mauvaise note à la campagne mais 20/20 aux humoristes", juge Robert Thompson, professeur de télévision et culture populaire à l'Université de Syracuse. La comédie dont tout le monde parle: le "Daily Show", sur le câble, une parodie de journal télé avec en "présentateur" Jon Stewart, comique de 42 ans. "Je le regarde religieusement", dit Andrew Sessa, journaliste, venu comme des centaines de fans voir Stewart, invité récemment pour une lecture par la vénérable Public Library de New York. "Il fait réfléchir", ajoute Amory Meltzer, étudiant. "J'adore la section 'Mess'o'potamia'" ("bazar en Irak"). L'équipe décortique la campagne, réalise de vraies-fausses interviews, déniche les images qui gênent, se mêle même aux conventions des partis et débats. On voit ainsi un de ses "correspondants" découvrir le monde de la communication politique quand, interrogeant les conseillers des candidats après un débat, tous lui répètent "Bush a gagné", "Kerry a gagné". Le pauvre en fait une crise de nerfs et s'évanouit sous les yeux des vrais journalistes. En plateau, Stewart joue la candeur et l'incompréhension, quand se succèdent des extraits de Bush: "John Kerry est le sénateur le plus constamment à gauche", "John Kerry est une girouette". Chacun en prend pour son grade, Kerry qui "a demandé sa première médaille à sa première fessée", Bush qui "a dû surmonter d'incroyables absences d'obstacles pour réussir". Avec l'émission "Saturday Night Live" et les shows de fin de soirée, les Etats-Unis pratiquent depuis longtemps l'art de la plaisanterie politique. Exemples chez Jay Leno: "Cheney ne pourra se présenter à la présidence. Il serait trop âgé, et puis il a déjà été président." "L'avion de John Edwards a raté son décollage. Apparemment il n'y avait pas assez d'électricité pour les lumières et son sèche-cheveux". L'influence de ces émissions est de taille. Selon le Pew Research Center, 21% des 18-21 ans tirent leurs informations du Daily Show et de Saturday Night. L'Association des critiques de télévision a aussi élu le show de Stewart "meilleure émission d'actualité" de l'année. "Les comédies sont devenues un 5ème pouvoir, dit Robert Thompson. Les observations du Daily Show sont tranchantes, sophistiquées. Avec son faux journal, il montre aussi comment les vrais journaux parfois manquent à leur devoir".

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