Rédaction
1 avril 2001

Une dizaine de milliers de Moscovites se sont rassemblés samedi dans le centre ville de la capitale pour soutenir la chaîne de télévision indépendante NTV, victime d'ennuis judiciaires qui ne font, selon eux, que traduire des pressions du pouvoir. "Pourquoi essaie-t-on de détruire NTV ?", a demandé le dirigeant du parti d'opposition Iabloko Grigori Iavlinski. "C'est pour continuer à nous parler de la lutte contre les terroristes (tchétchènes) et pour nous mentir sur la lutte contre la corruption, a-t-il poursuivi. Mais ce n'est pas une lutte contre le terrorisme, c'est une guerre atroce à grande échelle et qui est insensée", a lancé M. Iavlinski. Rassemblée place Pouchkine autour d'un podium muni d'un système de sonorisation puissant, la foule a bloqué la circulation sur une partie du grand boulevard Tverskoï, provoquant d'importants bouchons dans le centre de Moscou. Une pancarte attirait l'attention, demandant "KGB, ours (symbole du parti pro-Kremlin Unité), éloigne tes pattes de NTV". Un journaliste de la radio Echo de Moscou, du groupe Media-Most auquel appartient NTV, a pris le micro pour déclarer que "les charpentiers sont déjà en train de construire une cage pour la liberté d'expression". Plusieurs participants interrogés par l'AFP ont affirmé partager les préoccupations des organisateurs du rassemblement. "NTV est ma chaîne préférée, plus professionnelle que les autres, et je n'aime pas ce qui se passe maintenant dans le pays", a dit une retraitée de 62 ans, Raissa Volochina. "Je pense que nous sommes nous-mêmes responsables de tout cela, nous sommes trop passifs". Un étudiant de 21 ans, Dmitri Zakharov, exprime un jugement similaire, quoique plus alarmiste. "Nous risquons d'arriver à une dictature et le peuple en est lui même responsable, à cause de sa passivité". Il est rejoint par Tatiana, 50 ans, qui se présente comme "manager". "J'ai bien peur que la Tchétchénie soit un terrain d'exercice où l'on prépare des cadres pour des futures répressions, affirme-t-elle. Il n'est pas impossible que des nouveaux goulags voient le jour". L'ambiance du rassemblement, favorisé par un soleil quasi printanier, était égayée par des grappes de petits ballons verts avec l'emblême de NTV et les chansons de groupes de rock populaires succédant aux orateurs. Une centaine de personnalités avaient apporté leur soutien à cette initiative, dont l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, des écrivains connus, dont Fazil Iskander et Boris Strougatski, le metteur en scène Iouri Lioubimov ainsi que la poétesse Bella Akhmadoulina. Les médias russes - hormis ceux du groupe Media-Most - sont restés longtemps très discrets sur le meeting. Le patron de Media-Most, Vladimir Goussinski, a été arrêté en Espagne en décembre à la demande de Moscou, qui l'accuse "d'escroquerie", et réclame son extradition par la justice espagnole qui a, de son côté, ordonné lundi sa remise en liberté sous caution. Au moment même de la manifestation, le président Vladimir Poutine s'est réuni au Kremlin avec les ministres de la Défense et de l'Intérieur.

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