Piratage
 

Rédaction
26 janvier 2006

Six gros annonceurs ont comparu, mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris, pour répondre à l'accusation d'avoir "financé le piratage" du film "Les Choristes" de Christophe Barratier en faisant de la publicité sur des sites internet de téléchargement illicite. La 31e chambre dira dans quelques semaines si les six sociétés poursuivies -Neuf Telecom, AOL France, Telecom Italia France, Voyages-sncf.com, FINAREF, La Française des Jeux- se sont rendues complices de contrefaçon au préjudice du plus gros succès du cinéma français en 2004 avec 8,5 millions d'entrées. Me François Pouget, avocat des coproducteurs du film, Galatée Films et Pathé Renn Productions, a fait valoir qu'en achetant des encarts publicitaires, appelés "bannières", sur des sites de téléchargement dits "peer to peer" (P2P), "les annonceurs financent le piratage et donnent un vernis de respectabilité à une activité illicite". L'avocat a évalué de "500.000 à un million" le nombre de téléchargements illégaux des "Choristes", ce qui donne la mesure du danger encouru, selon lui, par la production cinématographique qui se retrouve "pillée". Jacques Lendrevie, spécialiste du marketing à HEC, a expliqué à la barre: "l'audience importante des sites P2P donne à ceux-ci de la valeur publicitaire" et a assuré: "l'annonceur sait parfaitement ce qu'il achète". Un témoin a observé: "On ne peut pas imaginer qu'un annonceur qui engage l'argent et l'image de sa société fasse de la publicité sans savoir où il met ses bannières". Me Stéphane Coulaux, au nom de Neuf Telecom, s'est récrié: "Nous n'avons jamais demandé qu'une bannière se retrouve sur ces sites". Plusieurs des sociétés mises en cause renvoient la responsabilité sur les régies publicitaires, chargées de placer les annonces. La Française des Jeux affirme avoir subi un "détournement frauduleux" de publicité. "Est-il techniquement possible qu'une bannière ait été placée à l'insu de l'annonceur ?" a demandé Me Christine Feral-Schuhl, avocate de FINAREF, à Jacques Lendrevie. - Cette dérive est techniquement possible mais difficile à déterminer", lui a répondu le spécialiste. L'avocat des coproducteurs, Me POuget, a ironisé: "Ils ignorent tous que leurs bannières publicitaires figuraient sur des sites P2P. C'est extraordinaire! La publicité sur ces sites a, comme par hasard, quasiment disparu". Christophe Barratier s'est brièvement exprimé à l'audience pour plaider en faveur d'une "pédagogie" des internautes afin de leur faire comprendre qu'"un bien culturel n'est pas gratuit" et que c'est toute l'économie d'un secteur qui est menacée de "précarisation". "Nous sommes diabolisés pour faire du bruit et instrumentalisés pour servir à un débat légitime mais qui n'a pas lieu d'être dans un tribunal", a estimé Me Coulaux, qui a remarqué que son client Neuf Telecom avait accueilli sur son site officiel des publicités pour télécharger "Les Choristes". "Légalement et de manière payante", a-t-il insisté.

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