Rédaction
21 février 2003

Ancien mouton noir de l'empire des médias Kirch, la chaîne allemande à péage Premiere a assuré sa survie avec l'arrivée à son tour de table de nouveaux actionnaires, après être passée l'an dernier à deux doigts de la faillite. Détenue jusqu'à l'an dernier par Kirch, l'unique chaîne cryptée du paysage audiovisuel allemand a été reprise hier jeudi par une société d'investissement, Permira (ex-Schroder Ventures Europe), qui acquiert 65,13% du capital. Les banques créancières de Premiere, en particulier la Bayerische Landesbank et la HypoVereinsbank, s'adjugent 23,5% des parts, tandis que les dirigeants de la chaîne, au premier rang desquels son patron, Georg Kofler, se partagent le reste du gâteau. Les nouveaux actionnaires vont enfin injecter quelque 220 millions d'euros d'argent frais dans la société qui à partir de 2005 pourrait faire son entrée en bourse. Les détails financiers de l'opération globale n'ont pas été révélés mais elle a été chiffrée dans la presse allemande à 1,2 milliard d'euros. Leo Kirch, créateur de la chaîne, voit donc son enfant lui échapper définitivement. Un enfant ingrat qui aura même précipité sa chute. Car c'est bien l'ironie de l'histoire: Premiere est la seule entité du groupe Kirch à ne pas avoir fait faillite, alors qu'elle est l'une des principales causes de la déroute de l'empire bavarois des médias. Tout commence il y a un an. Le magnat australo-américain Rupert Murdoch, "un requin", selon Leo Kirch, déclenche les hostilités et exige de son ancien allié qu'il lui rachète ses quelque 22% dans la holding de contrôle de la chaîne cryptée, KirchPayTV. Problème: les tiroirs-caisses de la maison Kirch sont vides. Premiere est un gouffre financier: depuis sa création au début des années 90, elle a déjà englouti la bagatelle de 4 milliards d'euros et perd à l'époque quotidiennement quelque 2 millions d'euros. Pris à la gorge, Leo Kirch finit par se résoudre au pire et le 8 avril, il dépose le bilan de sa principale société, KirchMedia. Ce jour-là les administrateurs judiciaires annoncent que Premiere va également déposer son bilan. Mais la chaîne dément immédiatement. Car Georg Kofler, le nouveau patron de la société, veut tenter le tout pour le tout. Appelé à la rescousse en décembre 2001, il élabore un plan de restructuration et part à la recherche de nouveaux investisseurs. "Si lui n'y arrive pas alors personne n'y arrivera", assure alors un dirigeant d'une chaîne concurrente. Le plan de redressement est douloureux avec une réduction de près de moitié des effectifs. Quelque 1.000 suppressions d'emplois ont été annoncées depuis mars 2002 sur un effectif de départ de 2.400 salariés. Une politique agressive de publicité et d'offres d'abonnements pour tenter d'attirer de nouveaux clients a également été lancée. La chaîne renégocie par ailleurs ses contrats avec les studios hollywoodiens à qui elle achète nombre de films pour remplir ses grilles de programmes. Conclus au prix fort dans les années 90, ces contrats plombaient la trésorerie de la société. Près d'un an plus tard, le nombre d'abonnés a augmenté de près de 200.000 à 2,6 millions fin 2002. Mais il est encore loin du seuil de rentabilité estimé à 3,5 millions. Premiere est parvenu à réduire drastiquement ses pertes mais aucun bénéfice ne devrait être engrangé avant l'an prochain. Enfin certains experts des médias doutent toujours de la pérennité de la télévision à péage en Allemagne où le nombre de chaînes câblées est déjà important. Son taux de pénétration y atteint moins de 9%, soit le plus faible niveau en Europe.

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