Al-Hurra
 

Rédaction
17 février 2004

Le lancement de la nouvelle chaîne de télévision américaine en arabe, Alhurra, destinée à redorer le blason des Etats-Unis au Proche-Orient, est accueilli avec scepticisme et même mépris dans cette région où l'anti-américanisme s'intensifie. "La chaîne et ses présentateurs insistent sur le fait qu'ils sont libres, comme s'ils disaient au téléspectateur arabe qu'il ne l'est pas, qu'il est opprimé et que les Etats-Unis vont lui apprendre la liberté. C'est un procédé assez stupide", estime dimanche l'analyste égyptien Salama Ahmad Salama. La chaîne, dont le nom signifie en arabe "La libre", a commencé à émettre samedi en direction des pays arabes. Elle a diffusé dimanche une interview du président américain George W. Bush dans laquelle il a réitéré son engagement en faveur de la liberté et de la démocratie au Proche-Orient, ainsi qu'un débat sur l'absence de liberté dans le monde arabe. "Les bulletins d'information sont dirigés, ils éclipsent un peu le conflit israélo-palestinien et la manière de présenter l'information est beaucoup moins sophistiquée que les chaînes occidentales d'information que nous connaissons", souligne M. Salama, interrogé par l'AFP. Selon le Bureau américain de radiodiffusion (BBG), l'agence fédérale chargée de superviser cette chaîne financée par le Congrès américain, Alhurra a pour objectif de redorer l'image des Etats-Unis dans la région et de réduire l'influence de la chaîne qatariote Al-Jazira et de sa concurrente Al-Arabiya, basée à Dubaï. "Ce n'est pas une télévision indépendante et elle n'est sûrement pas objective. D'ailleurs, je suis contre tout ce que font les Etats-Unis, car la guerre qu'ils ont menée contre l'Irak n'était pas juste", affirme Ahmad Zawabeh, un étudiant de 20 ans au Caire. Les journaux jordaniens ont exprimé lundi leur mépris pour la nouvelle chaîne, le quotidien de langue anglaise Jordan Times estimant que ses émissions sont marquées par "le manque de crédibilité et la futilité". "Un autre problème est sa condescendance" à l'égard des Arabes, car "elle semble présumer que les peuples de la région ne comprennent pas les Etats-Unis et leurs principes de démocratie et de liberté", ainsi que "son arrogance, car elle estime que si les peuples de la région comprenaient cela, ils appuierait la politique étrangère américaine", ajoute le journal. "Les bonnes paroles et les belles images ne changeront pas la réalité de l'ocupation israélienne ou du chaos en Irak, qui sont tous deux dus à la politique américaine", poursuit le Jordan Times. Pour sa part, le quotidien al-Dostour accuse Alhurra d'être "un projet colonialiste américano-sioniste" dont le but est de "mettre en évidence l'hégémonie américaine et de faire d'Israël le maître de la région". Aux Emirats arabes unis, le quotidien Al-Khaleej affirme dans un éditorial que "cette offensive médiatique ne diffère pas de l'invasion militaire, politique, économique et de terreur menée délibérément par l'administration américaine, qui ne cache pas son animosité envers les Arabes et les musulmans". "Si la politique américaine dans la région était saine et convaincante, ils n'auraient pas été acculés à ces moyens cosmétiques pour améliorer leur image", ajoute-t-il. "Le seul moyen d'améliorer l'image de l'Amérique est de changer de politique dans la région et de laisser les peuples choisir librement leur sort", souligne le quotidien. Le journal saoudien Al-Ryad estime pour sa part "difficile" la mission de la nouvelle chaîne en raison de l'image négative des Etats-Unis dans le monde arabe. Par ailleurs, l'agence de presse officielle iranienne Irna a lancé dimanche une violente attaque contre Alhurra, critiquant surtout son traitement du conflit israélo-palestinien et l'accusant d'avoir un parti pris flagrant contre les Palestiniens.

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