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Rédaction
15 avril 2004

Le journaliste français Alexandre Jordanov, pris en otage dimanche au sud de Bagdad, a été libéré hier après-midi devant la mosquée sunnite Oum al-Qoura, où se trouve le siège du Comité des oulémas sunnites dans la capitale irakienne. "M. Jordanov est libre", a déclaré le chargé d'affaires français à Bagdad Franck Gellet en sortant du bureau de Hareth Dari, secrétaire général du Comité des oulémas. Le journaliste français Alexandre Jordanov, libéré mercredi par ses ravisseurs, a évoqué peu après depuis Bagdad au cours d'une interview sur la chaine publique française France 2 les difficultés de dialogue avec ceux qui le détenaient et la "résistance très solidaire" en Irak. Il a expliqué qu'il avait été arrêté par quatre hommes et ajouté que ses ravisseurs changeaient tous les jours. "Au départ c'était des Fedayine de Saddam qui m'ont emmené. J'ai été dans huit endroits. On passait de +on va t'égorger+ à +tu fais partie du Mossad+. Le passeport français n'est pas une garantie aujourd'hui, dans les campagnes en tous les cas". Il dit également avoir reçu des "coups de crosses" et avoir subi "de l'humiliation". "A chaque fois, on a à faire à des gens différents, plus ou moins éduqués donc dès qu'il y avait quelqu'un qui parlait anglais on arrivait à communiquer, sinon j'étais l'ennemi juré", a-t-il poursuivi. "Dans un pièce, il y avait souvent 20 personnes: trois qui voulaient ma peau, deux qui voulaient comprendre, quatre qui voulaient me sauver. C'était incompréhensible. Ca durait des jours, des nuits. On dormait avec les néons, (...) sans fermer l'oeil". (...) "Parfois ils me bandaient les yeux, ils s'arrêtaient tout le temps, et dans tous les villages, tout le monde se connaît. Toute cette résistance, même s'ils font partie de groupes différents, est très très solidaire. C'est quasiment tout le pays qui est en résistance, en tous les cas dans les campagnes", a souligné Alexandre Jordanov. Interrogé sur les conditions de sa libération, il a affirmé que "ça a été un rapport humain avec des gens du parti islamique, les derniers chez qui on m'a emmené. Il y a eu un rapport très fort et ils ont dit +allez viens on va t'amener à la grande mosquée+". L'un des collègues du journaliste, Diego Bunuel, qui a pu le rencontrer, a indiqué à l'AFP l'avoir "trouvé hagard et amaigri". "Il a dit avoir passé des moments très difficiles, avoir été détenu dans une zone marécageuse infestée de moustiques. Il est très secoué", selon lui. Le responsable des relations publiques du Comité des oulémas sunnites, cheikh Abdel Sallam al-Kobeissi, a raconté qu'il était en réunion lorsque vers 15H30 locales (11H30 GMT) on lui a dit qu'à la porte de la mosquée se trouvait un groupe voulant remettre un otage au Comité. "J'ai été surpris quand j'ai vu le journaliste (français) à la porte. Je l'ai fait entrer, je lui ai offert à manger et à boire, il a pu prendre une douche et je l'ai aidé à prendre contact avec sa famille et l'ambassade de France", a-t-il déclaré à l'AFP. Selon lui, les ravisseurs avaient remis à Alexandre Jordanov un "Appel au peuple d'Irak". Dans ce texte, les "Moujahidine" affirment "avoir détenu le journaliste français et l'avoir libéré après s'être assurés qu'il n'était pas un représentant de l'occupation américaine et n'y participait pas, conformément à l'appel lancé par le comité". Travaillant pour l'agence CAPA, Alexandre Jordanov, 44 ans, s'était rendu avec le journaliste-caméraman Ivan Cerieix, 32 ans, ainsi qu'un chauffeur et un traducteur irakiens, dimanche à Hilla (centre) pour obtenir du commandement polonais, qui dirige la division multinationale, de pouvoir filmer les soldats de la coalition dans la ville sainte chiite de Kerbala. Sur le chemin, l'équipe a été témoin d'une attaque contre un convoi américain, à l'entrée de Latifiya, à 30 km au sud de Bagdad. Elle avait filmé l'incident puis une fusillade avait éclaté et les deux journalistes s'étaient mis à l'abri, avait indiqué M. Cerieix, lui aussi kidnappé pendant plusieurs heures. "C'est la dernière fois que je l'ai vu", avait-il dit mardi. Cheikh Kobeissi a rappelé que le Comité des oulémas avait lancé un appel "pour libérer tous les civils ne coopérant pas avec les Américains et les réponses sont venues l'une après l'autre". Le religieux sunnite a demandé à la France "de faire tout ce qui est en son pouvoir pour réduire la souffrance des Irakiens dans leur guerre contre les occupants américains" et a condamné "le silence des dirigeants arabes sur ce qui se passe à Falloujah", ville de l'ouest de Bagdad assiégée par les Marines. Près de 40 étrangers sont retenus en otage en Irak et l'un d'eux, un Italien, a été tué selon la chaîne qatarie al-Jazira.

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