Rédaction
28 mars 2002 à 01h00

ITV Digital, la télévision numérique hertzienne britannique payante détenue par les groupes britanniques Carlton et Granada, a déposé son bilan, au terme d'un bras de fer avec la Ligue de football anglaise pour obtenir une nette baisse des droits de retransmission. Dans un communiqué commun à la bourse de Londres, les deux groupes de médias ont annoncé la mise sous administration judiciaire de ITV Digital. Le cabinet Deloitte and Touche devrait être nommé administrateur, ont-ils précisé. Carlton et Granada avaient fait savoir la semaine dernière qu'ils étaient prêts à fermer la télévision numérique si ces négociations n'aboutissaient pas. ITV Digital s'était engagée auprès de la Ligue de football anglaise, qui représente 72 clubs, à verser 315 millions de livres (516,4 M EUR) pour obtenir les droits de retransmission télévisée sur trois ans. Sur ces 315 ML, ITV Digital a déjà payé 133 ML (218 M EUR). Il voulait ramener à 50 ML (82 M EUR) la somme qui lui restait à acquitter d'ici août 2003. Depuis la mi-journée, le marché bruissait de rumeurs sur un dépôt de bilan, provoquant la hausse des cours de Granada et Carlton à la bourse de Londres. A la clôture, Carlton affichait un gain de 5,75 pence à 272 (+2,11%) et Granada 4 pence à 142,5 (+2,9%). Carlton et Granada ont déjà dépensé 800 ML (1,311 md EUR) dans ITV Digital depuis son lancement fin 1998 pour concurrencer les services numériques de BSkyB, la télévision britannique contrôlée par Rupert Murdoch. Mais ITV Digital n'a pas remporté le succès espéré. Les deux groupes, qui n'espéraient pas la faire parvenir à l'équilibre avant 2004, moyennant un investissement supplémentaire de 300 ML, considéraient cet investissement comme "de l'argent perdu". "Un trou noir est éliminé, c'est pourquoi le marché répond positivement à ces nouvelles", déclare Lorna Tilbian, de Numis Securities. "Mais c'est aussi une déception d'un point de vue stratégique car Granada et Carlton n'ont plus de plateforme (numérique) où placer leurs émissions", relève un analyste souhaitant garder l'anonymat. Or selon le programme du gouvernement britannique, l'analogique devra peu à peu laisser la place au numérique entre 2006 et 2010. "Cette annonce ne sonne pas la fin de la télévision terrestre numérique en Grande-Bretagne, a déclaré la ministre de la Culture, Tessa Jowell. C'est un moment crucial pour le football. J'invite la Ligue de football à continuer à négocier". Les deux groupes devront également passer des provisions pour la fermeture de ITV Digital, si cette option est choisie. Les évaluations sur ces coûts varient mais atteindraient plusieurs millions de livres sterling. ITV Digital emploie 1.800 personnes. Mais "le plus grand perdant de cette affaire" est la Ligue de football, selon un analyste ayant requis l'anonymat. La Ligue estime que 30 à 50 clubs pourraient fermer boutique. Nigel Hawkins, de la maison de courtage Williams de Broe, juge ces estimations exagérées mais admet que plusieurs d'entre eux connaîtront de graves difficultés. Les droits de retransmission acquittés par les chaînes de télévision représentent la quasi-totalité des revenus de nombreux petits clubs anglais. Si les matches des clubs de première division comme Manchester United, Liverpool ou Arsenal font des bons scores d'audience sur toutes les chaînes, les télévisions payantes n'ont pas rencontré le succès espéré avec leurs propositions d'abonnement pour des chaînes spécialisées payantes retransmettant toutes les rencontres, même les plus locales. Nigel Hawkins estime possible que le gouvernement intervienne en raison de "l'impact que peut avoir ce qui a trait au football dans tout le pays". Un autre analyste souligne que la Ligue risque de se retrouver face à un seul interlocuteur, BSkyB (le bouquet satellitaire britannique contrôlé par le magnat australien Rupert Murdoch), qui se gardera bien "de proposer de grosses sommes d'argent".

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