France 5
 

Rédaction
7 mai 2006

La question de l'identité et de la représentation des Noirs au sein de la société française, celle de l'impact de l'esclavage, puis de la colonisation, ou celle sur l'existence d'une communauté noire: ces interrogations ont guidé l'enquête d'Arnaud Ngatcha pour son film "Noirs". Réalisé par Jérôme Sesquin, ce documentaire (85 minutes), qui a nécessité un an de travail, est riche en témoignages, notamment ceux de l'écrivain antillais Aimé Césaire et de la députée de Guyane Christiane Taubira, rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi de 2001 reconnaissant l'esclavage et la traite négrière comme crimes contre l'humanité. "La mémoire vivante, actuelle, chez les communautés issues de l'esclavage se vit encore sous le mode de la blessure", déclare dans le film Jacky Dahomey, membre du Haut Conseil à l'intégration. Avec des images d'archives, "Noirs" évoque l'histoire de l'esclavage aboli en 1848 par la France, l'histoire de la colonisation et celle plus récente de l'immigration africaine. Ces chapitres historiques sont liés entre eux par les nombreux témoignages, souvent émouvants, recueillis aux Antilles, dans l'Hexagone et au Sénégal. "Je ne voulais pas faire un film historique. Je me suis interrogé sur les formes de représentation des Noirs que ces événements historiques, l'esclavage et la colonisation, ont pu laisser dans la société française", a expliqué à l'AFP le journaliste Arnaud Ngatcha, dont le père est d'origine camerounaise et la mère est Française. Evoquant des adolescents rencontrés dans un collège d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) pour son film, Arnaud Ngatcha a souligné que ces jeunes Noirs "se sentent vraiment Français mais ils ont le sentiment qu'on ne les voit pas comme ça". S'adressant dans le documentaire à Jean-Claude Tchicaya, Noir, adjoint au maire de Bagneux (Hauts-de-Seine), l'un de ces collégiens relève que "ça fait du bien de savoir que les Noirs ne sont pas seulement bons pour le foot, le basket, la musique". Que des Noirs réussissent dans d'autres domaines, "ça donne envie d'y croire", ajoute-t-il. En France, "il y a bien un racisme, une hiérarchie sociale qui est fondée sur une hiérarchie des couleurs", indique Jacky Dahomey. Le "complexe de supériorité" de l'Europe "traduit en même temps le mépris de l'autre", estime Aimé Césaire. Basée sur la couleur de la peau, "la discrimination est la même pour tout le monde", Antillais ou Africains, et la nationalité française "n'est pas du tout une carapace contre la discrimination", déclare Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran). Ici, "on a du mal à associer Français à une autre couleur que blanc" car être Noir et Français, ce n'est pas considéré comme "logique", témoigne Hassatou Ba, étudiante à Science-Po, Française "d'origine sénégalaise". Parmi les autres personnes interrogées figurent Kofi Yamgnane, ex-secrétaire d'Etat à l'Intégration, les écrivains Gaston Kelman (auteur notamment de "Je suis Noir et je n'aime pas le manioc") et Maryse Condé, le rappeur Disiz La Peste ou l'historien Pascal Blanchard. Diffusé à l'occasion de la commémoration le 10 mai en métropole de l'abolition de l'esclavage, "Noirs" sera proposé sur France 5 l aujourd'hui à 16H30 et le mercredi 10 mai à 20H00, puis sur France 3 le vendredi 12 mai à 23H25.

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