RTBF
 

Rédaction
8 mars 2004

Raconter l'horreur sans choquer: le procès très médiatisé du pédophile Marc Dutroux aux assises d'Arlon (sud-est), qui entre lundi dans sa deuxième semaine, met à l'épreuve les médias, qui se montrent globalement assez prudents non sans quelques dérapages. "Sachant qu'Arlon allait devenir un énorme cirque, il y avait un risque d'exaltation par l'importance de l'événement", souligne Stéphane Rosenblatt, rédacteur en chef de la chaîne de télévision privée belge RTL-TVi. "Nous sommes extrêmement attentifs à éviter tout dérapage (...), à être exhaustif tout en gardant une retenue", ajoute-t-il, en précisant que des consignes écrites en ce sens ont circulé dans la rédaction. Même son de cloche sur la RTBF publique. "Notre objectif est de faire en sorte que ce procès soit le plus compréhensible possible pour le public. C'est le véritable enjeu, et pour parvenir à ce résultat, il est inutile d'aller dans l'ensemble des détails macabres", explique le rédacteur en chef, Benoît Moulin. "C'est effectivement un dossier dans lequel il y a parfaitement moyen de verser dans le fantasme et la démagogie et il y a aussi moyen de flatter les bas instincts de beaucoup de monde", reconnaît-il. Dutroux doit répondre, entre autres, du rapt, de la séquestration et du viol de six fillettes et adolescentes entre juin 1995 et août 1996, ainsi que de la mort de quatre d'entre elles. Si certains ont répercuté les précisions les plus crues fournis par Dutroux à l'audience mercredi sur le sort de ses victimes, nombreux sont les journalistes belges ou étrangers -- plus de 1.300 ont été accrédités pour suivre le procès -- présents ce jour là à Arlon à s'être posé la question de l'auto-censure. Stephen Castle, correspondant du quotidien britannique The Independent, reconnaît avoir fait mention d'une d'elles "pour souligner à quel point les détails de cette affaire sordide sont dégoûtants". Ian Black, du Guardian, a lui aussi rendu compte de certains détails, mais fait l'impasse sur les autres: "Il y a des choses qu'on n'a tout simplement pas besoin de dire". Pour Marc Lits, chercheur à l'Observatoire du récit médiatique de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve, "à quelques exceptions près, on reste dans le respect des règles". "Les journaux restent assez discrets... lorsqu'ils parlent des viols, des sévices sexuels". "Il y a eu des dérapages limités, mais il n'y a pas eu de surenchère", estime-t-il. Mais il déplore le fait que de nombreux médias ont eu accès avant le procès à l'ensemble du dossier d'instruction. Une télévision flamande a ainsi diffusé une "reconstitution" en ayant recours à des acteurs. Contrairement aux mois qui ont suivi l'éclatement de l'affaire en 1996, "on est plus prudent maintenant, même si parfois on est à la limite du sensationnel. Même si on en fait beaucoup, il y a une volonté d'expliquer", dit-il. "L'affaire Dutroux a été vécue dans une logique extrêmement émotionnelle, relayée par les médias, mais le propre de l'émotion est qu'elle retombe. Ce n'est plus une affaire d'Etat comme cela a pu l'être il y a huit ans", souligne Marc Lits. Paradoxalement, le principal débat sur la couverture du procès a porté jusqu'ici sur la diffusion de photos de Marc Dutroux. A l'ouverture du procès, le pédophile avait demandé au président de la cour d'interdire de le filmer ou photographier dans le box des accusés, comme le lui permet la loi. Plusieurs médias ont néanmoins publié des clichés de lui sans bandeau, et la justice a ordonné une enquête administrative, après la publication par l'hebdomadaire La Libre Match de clichés illustrant sa vie carcérale. L'enquête s'est traduite par la mise à pied temporaire d'un gardien de la prison d'Arlon.

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