Télévision
 

Rédaction
9 novembre 2005

"On n'est pas des animaux. Vous feriez mieux de partir": dans les cités de Seine-Saint-Denis, la colère grandissait mardi soir à l'encontre des journalistes, accusés d'attiser les violences urbaines et de "jeter de l'huile sur le feu". "C'est de votre faute. Vous donnez trop d'importance à ces mômes qui n'ont pas 15 ans. Vous ne voyez pas que pour eux, c'est devenu un jeu. Ils se disent qu'ils vont peut-être passer dans le journal", avance Eric, 24 ans. Le jeune homme, qui habite depuis dix ans dans la cité du Londeau à Noisy-le-Sec, dit sa "colère" et sa "haine" après l'incendie de la voiture de sa mère qui s'est propagé à deux autres véhicules. Très vite, un attroupement s'est formé autour de deux photographes et un caméraman. "C'est l'effet médiatique. Ici au Londeau, y'a rien à voir. On est des gens honnêtes, on paie nos impôts, on travaille. Vous voulez voir quoi ?", s'emporte Samir, 27 ans, employé de la commune. A quelques pas de lui, deux jeunes d'une quinzaine d'années, casquettes sur la tête, interpellent les journalistes et leur promettent "le scoop": "on va brûler ça", assurent-ils en montrant un magasin de motos et affirment que leur prochaine cible sera un centre commercial Carrefour. "Vous voyez ?", reprend un autre, qui souligne que recenser quotidiennement depuis douze jours les villes où les voitures brûlent, ne fait qu'aviver les tensions. "Quand un jeune entend que trois voitures et un gymnase ont brûlé dans la cité voisine, il se dit: +je vais brûler 4 voitures et 2 gymnases+. Il fait de la surenchère, c'est comme un concours", dit Tariq, 26 ans. Le temps de la conversation, un essuie-glace de la voiture de l'Agence France Presse a été dérobé... A quelques kilomètres de là, la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois semble déserte mais l'hostilité envers la presse est encore plus palpable. "On n'est pas des animaux. Pourquoi vous venez là quand ça va mal. Pourquoi vous venez pas avant pour comprendre ce qui se passe ici ? Vous cherchez quoi au juste ?", lance un habitant. Agé d'une trentaine d'années, il se tient debout au pied de son immeuble: "j'espère que t'as pas une caméra cachée dans ta poche. T'as rien à faire ici. Rentre chez toi", dit-il tout remontant jusqu'au nez le col de sa parka. Il passe un joint à un de ses copains et poursuit: "c'est de votre faute tout ça". Et de montrer la carcasse d'une voiture entièrement détruite. Non loin de là, un fonctionnaire de police, responsable de district, met en garde: "soyez prudent, vous ne devriez pas rester dans le coin. Je préfère travailler avec ma tête qu'avec mes bras, cela m'embêterait d'être obligé de venir vous chercher". Il y a quelques jours, des journalistes étrangers --italiens-- ont été "chahutés" dans une des cités, rappelle-t-il.

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