Arte
 

Rédaction
24 octobre 2006

"C'est dans la nature humaine de préférer un garçon, c'est la même chose dans les autres pays, non?", interroge la sage-femme indienne qui vient d'accoucher une jeune mère, dont le visage reflète la déception d'avoir mis au monde une petite fille. Ces quelques mots résument la douloureuse et quasi insoluble question de l'infanticide des filles en Asie, au coeur d'un très beau et fort documentaire de Manon Loizeau et Alexis Marant. Cette coproduction Capa/Arte, "La malédiction de naître fille", diffusée sur Arte ce soir à 20h40, a remporté le prix Albert Londres 2006. Selon des estimations de l'Unicef, il y aurait 100 millions de femmes "manquantes" en Asie. L'avortement est interdit en Inde où il est passible de la prison. Mais l'infanticide "traditionnel" par empoisonnement se poursuit dans la région du Tamil-Nadu. Et aussi dans les provinces plus riches du nord du pays, comme le Pendjab et l'Haryana, où l'échographie a rendu possible l'avortement sélectif. En Inde, le marché de l'avortement, pratiqué dans les 22.000 cliniques privées du pays, est particulièrement lucratif. "Un crime organisé par un lobby de médecins", selon un obstétricien. Responsables de cette situation: la pauvreté, l'ignorance et surtout le poids de la tradition voulant que seul un fils puisse allumer le bûcher de ses parents, et que la dot d'une fille soit ruineuse pour sa famille. "Les traditions ont force de loi, si la mère ne tue pas sa fille qui vient de naître, elle devient étrangère dans son village", explique le responsable de l'ONG Terre des Hommes qui oeuvre dans les villages indiens. Face à la caméra, résignée, une mère raconte comment de ses "propres mains" elle a empoisonné sa fille avec du jus de tabac. "J'y pense tout le temps, je n'arrive pas à oublier", dit-elle. Au Pakistan, la pauvreté croissante pousse les mères à tuer leurs bébés filles, à l'encontre de toutes les règles de l'islam. A Karachi, les petits corps jetés dans les fossés et les décharges sont lavés et enterrés par les travailleurs de l'ONG Edhi. Devant le fléau, la Chine, dont la politique de l'enfant unique a conduit au sacrifice des filles, a lancé un programme de planning familial "Chérissons nos filles". Au final, on assiste à un grave déséquilibre démographique. En Inde, des villages entiers sont peuplés de célibataires qui ne trouvent pas de compagnes. Avec les problèmes de violences et d'alcoolisme qui s'ensuivent. Dans 20 ans, les ONG prévoient qu'il manquera 200 millions de femmes.

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