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5 questions à Mark McCaughrean de l'Agence Spatiale Européenne

Carlos PIRES
3 février 2015 à 13h59

Consultant scientifique senior pour la science et l'exploration robotique auprès de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), Mark McCaughrean est également responsable de la communication de l'agence à propos des principaux résultats en matière de science spatiale. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur la mission Rosetta.

Télé Satellite & Numérique : Certains semblent comparer l'arrivée du module Philae sur la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko à l'arrivée de l'Homme sur la Lune. Êtes-vous d'accord avec cette comparaison ?

Mark McCaughrean : C'est amusant parce que je suis suffisant âgé pour me souvenir de l'arrivée de l'Homme sur la Lune et ô combien cet événement m'a donné envie de devenir un astronaute. Alors quand certains comparent la mission actuelle avec la mission Apollo, je me dis que c'est vrai que pour les plus jeunes générations la sensation doit être identique. Il suffit de voir l'effet médiatique de la mission Rosetta qui a retenu l'attention de tous : tout le monde était devant son poste de télévision en train d'assister à un moment historique. Il s'agit là d'Espace et de science et d'essayer de comprendre de quoi est faite cette comète. En somme, j'ai vu tant d'excitation autour de Rosetta qu'il est bien possible qu'il s'agisse effectivement de l'équivalent de la mission pour l'actuelle génération.

Télé Satellite & Numérique : Et quelle est l'importance de cette mission pour l'Europe et, pourquoi pas, pour l'humanité ?

Mark McCaughrean : Il s'agit là d'un grand moment pour l'Europe. Que cela soit clair : la plupart des choses que l'Europe a effectué dans l'Espace, les américains l'avaient fait en premier. Mais ça (la mission Rosetta), ils ne l'avaient jamais fait et ils n'ont pas été capables de le faire ! Ils étaient avec nous quand la mission a commencé mais ils se sont retirés. Ça a été un projet ambitieux et vraiment compliqué pour nous, mais nous sommes dit « nous pouvons le faire ! ». Maintenant tout parait facile mais ça a pris 30 ans ! Quand nous sommes arrivés au niveau de la comète, nous avions trois mois pour choisir une zone où poser Philae et tout organiser. Personne ne l'avait fait avant ! C'est une grande étape pour l'Europe, toute l'Europe, mais pas seulement.

Télé Satellite & Numérique : Jusqu'à maintenant, qu'est-ce que cette mission nous a appris à propos de la vie sur Terre et sur le système solaire ?

Mark McCaughrean : Il est encore tôt pour y répondre. Nous commençons seulement à analyser les données qui nous permettrons de comprendre de quoi la comète est constituée à l'intérieur ou son influence sur la vie, mais nous en saurons plus au cours des prochains mois. Mais nous avons déjà une réponse à l'une des grandes questions que nous nous posions : l'eau sur Terre provient-elle de comètes comme 67P ? Nous savons désormais que la réponse est non ! Cela peut être une déception pour certains mais ce n'est pas plus mal puisque ça maintient la science vive et ça nous oblige à continuer nos recherches.

Télé Satellite & Numérique : L'arrivée un peu chaotique du module Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko est-elle un demi-échec ou un demi-succès ?

Mark McCaughrean : Je considère qu'il s'agit d'un succès complet ! Le but pour nous avant tout était de poser Philae à la surface et ça, nous l'avons fait. Le problème de ne pas atterrir à l'endroit prévu (dans une zone sans exposition solaire la plupart du temps) c'est que Philae n'a eu de l'énergie que pendant trois jours et que nous n'avons pas pu charger l'autre batterie qui nous aurait permis d'avoir de l'énergie suffisante pour les prochains mois, probablement jusque Mars, ce qui correspondait à plusieurs mois de données. Mais ce n'était là que la première phase de la mission et il se peut que Philae se réactive à mesure qu'il se rapproche du soleil. Mais rien que le fait de survoler et de se poser sur une comète est un véritable succès car personne de l'avait encore jamais fait. Ce n'est pas comme voler autour de la Terre ou de Mars où la gravité et le temps sont parfaitement prévisibles. Pour une comète, les données changent tous les jours ce qui rend les choses encore plus difficiles. Donc pour nous c'est un succès total !

Télé Satellite & Numérique : Merci M. McCaughrean d'avoir répondu à nos questions.

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