Arte
 

Rédaction
16 novembre 2007

Comment un haut fonctionnaire, qui a déporté des juifs pendant la guerre, a-t-il pu poursuivre une carrière brillante, avant d'être rattrapé par son passé? C'est à cette question que veut répondre "René Bousquet", une fiction de Laurent Heynemann, portée par Daniel Prévost dans le rôle titre, diffusée ce soir à 20h40. "René Bousquet ou le grand arrangement" démarre à l'automne 1978. Avant le début d'un conseil d'administration de la Banque d'Indochine et de Suez, qu'il dirige, René Bousquet découvre dans l'Express les révélations de Louis Darquier de Pellepoix, qui le met directement en cause dans la déportation de milliers de juifs. Dès lors, et jusqu'en 1991, année de son inculpation pour crime contre l'humanité, l'ancien haut fonctionnaire du régime de Vichy n'aura de cesse de se défendre âprement, n'admettant jamais la moindre faute. Daniel Prévost incarne cet homme intellectuellement brillant, héros national pour sa bravoure lors des inondations de 1930, plus jeune préfet de France en 1941, et nommé en 1942 secrétaire général à la police par Pierre Laval. L'acteur excelle à composer un personnage pétri de certitudes, plein de morgue et capable d'une violence sourde sous un vernis de respectabilité. "Je ne voulais pas d'un acteur massif, costaud, qui en impose, car Bousquet était en vérité un petit bagarreur. Je voulais quelqu'un d'apparence +normale+", explique à l'AFP le réalisateur Laurent Heynemann. "On ne peut pas en faire un personnage caricatural. C'était une personne tout à fait ordinaire, mais à l'intérieur, il y avait un monstre", renchérit Daniel Prévost. "Dans des situations extrêmes, le mal peut se révéler dans des personnes ordinaires". Pour l'acteur et le réalisateur, la principale difficulté était d'éviter toute empathie du téléspectateur avec René Bousquet. "Il fallait conserver un recul d'entomologiste et veiller à ne pas susciter de la pitié pour le Bousquet devenu vieillard", déclare Laurent Heynemann. Très documenté, le film dépeint avec intelligence les réseaux politiques et financiers qui permettront à Bousquet de couler des jours tranquilles après sa condamnation à cinq ans de dégradation nationale. "René Bousquet" revient également sur les relations entre l'ancien collaborateur et François Mitterrand. Le film contient aussi des éléments de pure fiction. Ludmila Mikaël incarne une juive dont la famille a péri dans les camps. Elle a reconnu Bousquet et parviendra à le rencontrer, cherchant en vain à éveiller en lui le remord. Ce personnage représente, selon Laurent Heynemann, "la mémoire juive qui revient par étape", plus de 30 ans après la guerre. "Je suis toujours intéressé par les plaies mal refermées", conclut le réalisateur. "Dans notre pays, on referme mais on ne nettoie pas les plaies. Or quand on comprend ce qui s'est passé, on comprend mieux ce que l'on vit aujourd'hui".

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