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5 questions à Jean-Jacques Favier, spationaute français

Carlos PIRES
12 décembre 2015 à 16h21

Jean-Jacques Favier, spationaute français et passager durant 16 jours de la navette Columbia en 1996, a répondu à 5 questions de Télé Satellite et Numérique.

Télé Satellite & Numérique : En 1996 vous est devenu le premier scientifique français dans l'Espace au cours d'une mission consacrée à la microgravité à bord de la navette Columbia. Avec le recul, comment analysez-vous cette mission et quelles évolutions vérifiez-vous aujourd'hui dans ce domaine ?

Jean-Jacques Favier : Ce que je continue à dire en tant que scientifique c'est que ce type de mission a été une chance pour les disciplines qui ont été pratiquées, c'est-à-dire la science de la vie parce que les conditions étaient à l'échelle d'un laboratoire terrestre. L'actuelle station spatiale est un monstre qui est trop lourd, trop grand et trop cher pour vraiment faire de la science. Pour obtenir de bonnes conditions de microgravité, il faut un module qui ne soit pas trop grand. Aujourd'hui, la station est en perpétuel mouvement sur elle-même et elle vibre, donc les conditions de microgravité ou d'apesanteur ne sont pas très bonnes. C'est pourquoi je prétends que ce type de mission dans les navettes a permis de faire avancer la science.

Télé Satellite & Numérique : En parlant des navettes américaines, en janvier prochain elles feront de nouveau parler d'elles à l'occasion des 30 ans de l'accident de Challenger. Un souvenir marquant de cette époque ?

Jean-Jacques Favier : Pour moi la navette reste un véhicule spatial extraordinaire d'un point de vue technologique : c'était une fusée au décollage, une petite station spatiale là-haut et un avion au retour et donc la navette conjuguait l'ensemble de ces technologies. Je me souviens très bien de Challenger : avec mes collègues, nous étions le deuxième groupe d'astronautes sélectionnés par le CNES, en octobre 1985, et quelques mois après est survenu l'accident de la navette. Cela a été un coup de massue terrible pour nous tous et pour moi en particulier. On imaginait à l'époque développer une petite navette européenne – Hermès – à mettre sur Ariane et tout cela s'est arrêté du jour au lendemain. Quand on nous a sélectionné, on nous a dit « venez, vous volerez tous les deux ans » ; en fait, il n'y a pas eu d'Hermès ni de possibilité de vol européen. Pour voler, il a fallu aller soit chez les russes soit chez les américains et cela a pris 11 ans !

Télé Satellite & Numérique : Que pensez-vous du module Dragon développé par Space X ?

Jean-Jacques Favier : Que cela soit avec Orion ou Dragon, on revient au concept le plus sain, le moins cher et le plus sûr pour les vols habités, c'est à dire les capsules. L'autre aspect important est que des industriels privés se lancent dans l'aventure. Dragon va permettre de transporter dès l'année prochaine des astronautes vers la Station Spatiale et plus tard d'aller vers la Lune.

Télé Satellite & Numérique : Votre collègue Paolo Nespoli a décrit la Station Spatiale Internationale comme un endroit incroyable. Quelles expériences auriez-vous aimé effectuer à bord et comment voyez-vous l'évolution de l'ISS ?

Jean-Jacques Favier : Quand je réfléchissais à l'ESA sur les stations à venir, je prônais une station spatiale à orbite basse – parce que c'est très important pour la science – et d'une taille beaucoup plus modeste, comme c'était le cas de la station Mir. Maintenant les avantages de l'actuelle station par rapport à la navette sont que l'on peut rester très longtemps à bord, permettant de faire des expériences maintes et maintes fois dans différents champs ou encore d'observer la Terre et l'Espace. Quel va être son avenir ? Les partenaires ont signé un accord jusqu'en 2020 mais il y a des chances que l'on aille jusqu'en 2024. Mais il faut d'ores et déjà se poser la question « que fait-on après » ?

Télé Satellite & Numérique : Les expériences sexuelles réalisées dans l'Espace, mythe ou tabou ?

Jean-Jacques Favier : C'est une question qui est souvent posée ! Personnellement je n'ai jamais assisté à ces expériences, il n'en reste pas moins vrai que c'est une vraie question pour le futur, notamment pour les missions longes et les missions d'exploration qui durent plusieurs mois. On réfléchit très sérieusement à la constitution des équipages et si on doit mettre des couples ou pas…

Télé Satellite & Numérique : Merci d'avoir répondu à nos questions M. Favier.

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