Agence spatiale européenne
 

Un laser à 265 millions de km : le record optique de l'ESA et l'avenir de l'internet interplanétaire

Frédéric SCHMITT
6 août 2025 à 18h27

En juillet 2025, l'Agence spatiale européenne (ESA) a envoyé et reçu un faisceau laser de haute puissance depuis l'observatoire de Kryoneri, en Grèce, qui a parcouru 265 millions de kilomètres (1,8 UA) jusqu'à la sonde Psyche de la NASA avant de revenir sur Terre en quelques minutes.

Cet exploit, la première liaison bidirectionnelle en espace profond jamais réalisée par un segment terrestre européen, annonce une nouvelle ère de communications de données à des débits comparables au haut débit terrestre.

La distance record a été franchie grâce à l'expérience Deep Space Optical Communications (DSOC) embarquée sur Psyche. La puissance du laser a permis au détecteur de 64 pixels de la sonde de repérer le signal terrestre puis de renvoyer un faisceau vers la station d'Helmos, 37 km au nord de Kryoneri.

Lors des tests préliminaires, le DSOC avait déjà atteint des débits allant jusqu'à 25 Mbit/s lorsque l'engin se trouvait encore à 225 millions de kilomètres. L'ESA espère valider des débits supérieurs à 8 Mbit/s durant cette première fenêtre 2025‑2026, soit un bond de 10 à 100 fois par rapport à la radiofréquence classique.

Cette ambition de haut débit hors de l'orbite terrestre fait écho à la course française aux infrastructures numériques avancées. Une enquête ADAN‑Ipsos‑Deloitte publiée en avril 2025 révèle que 10 % des Français, soit environ 5,5 millions de personnes, détiennent déjà des cryptoactifs, contre 12 % en 2024.

Le pays compte donc un public exigeant en matière de connexions rapides et sécurisées. L'Autorité des marchés financiers (AMF) répertorie par ailleurs plus de 120 PSAN enregistrés depuis l'entrée en vigueur du règlement MiCA, intensifiant la concurrence entre plateformes nationales pour réduire la latence et accroître la capacité de traitement.

L'intérêt pour de nouvelles crypto monnaies grandit lui aussi ; leur négociation en (quasi) temps réel dépend de liaisons à très haut débit et à très faible latence, précisément ce que les communications optiques d'espace profond promettent d'apporter, à terme, aux constellations satellites en orbite moyenne puis, plus tard, à l'orbite lunaire et martienne.

Tout comme le DSOC inaugure une "internet interplanétaire", l'évolution des réseaux laser pourrait garantir la sécurité des transactions en cryptomonnaies lorsque validateurs et nœuds se trouveront à des centaines de millions de kilomètres de la Terre. Mais tout ne s'est pas décidé à Athènes.

Des éléments clés du système, notamment le modem optique High Photon Efficiency, coproduit par la française Safran Data Systems, et le télescope IRIS de 50 cm, socle de la future grille européenne de stations laser, ont été développés en Île‑de‑France et en Occitanie.

En avril 2024, Safran a signé un contrat pour exporter un IRIS à la Swedish Space Corporation, consacrant commercialement une technologie née dans des laboratoires parisiens de défense.

La contribution hexagonale ne se limite pas au matériel. Selon un décompte du quotidien Le Monde, la France investira 9 milliards d'euros dans des programmes tels que ceux de l'ESA d'ici la fin 2025, dont 3,2 milliards pour celui‑ci, devant l'Italie et tout près de l'Allemagne.