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Lutte contre le piratage audiovisuel et sportif : l'Arcom réclame un arsenal beaucoup plus renforcé et réactif

Frédéric SCHMITT
2 décembre 2025 à 23h20

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a remis à la Commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale un rapport très attendu sur les enjeux du piratage dans les secteurs culturels et sportifs.

Ce document de 150 pages, réalisé avec la collaboration de la députée Carole Hentzgen, rapporteure spéciale, dresse un bilan contrasté des outils existants et formule une série de demandes ambitieuses pour adapter la législation française aux nouvelles formes de contrefaçon, en particulier le streaming illicite, l'IPTV et le piratage en direct.

Malgré une baisse de 35 % de l'audience des sites pirates entre 2021 et 2025 et une réduction de 80 % des pratiques peer-to-peer depuis 2009, le piratage reste un problème : 13,5 % des internautes français y ont encore recours et les pertes annuelles sont estimées à 1,5 milliard d'euros pour le seul marché audiovisuel légal. L'Arcom pointe surtout l'explosion des consommations en direct (sport en tête) et le contournement massif des blocages via les VPN (66 % des pirates).

Les principales revendications de l'Arcom

L'autorité considère que « le dispositif actuel n'est pas parfaitement adapté pour lutter contre le piratage en direct » et propose une refonte en profondeur :

Automatisation et accélération des blocages

  • Suppression de l'exigence de force de chose jugée pour bloquer les sites miroirs.
  • Délégation au président de l'Arcom du pouvoir d'ordonner des injonctions dynamiques.
  • Passage à un contrôle a posteriori des systèmes de détection automatisée (notamment pour les retransmissions sportives).

Renforcement des obligations des intermédiaires techniques

  • Astreintes financières en cas de non-exécution des ordres de blocage.
  • Mobilisation obligatoire des fournisseurs de DNS alternatifs, des VPN, des hébergeurs, des CDN et des magasins d'applications.
  • Interdiction des communications commerciales faisant la promotion de services ou outils facilitant le piratage (extension de l'article 4 de la loi sur les influenceurs).

Nouveaux outils pénaux et européens

  • Création d'infractions pénales spécifiques pour le piratage de compétitions sportives.
  • Obtention du statut de « signalant de confiance » au titre du Règlement sur les services numériques (DSA) pour accélérer les retraits en Europe.
  • Harmonisation transfrontalière des délais de déréférencement et de blocage.

Modèle inspiré du Royaume-Uni et de l'Italie pour le sport en direct

  • Adoption d'un système de blocage en temps réel pendant les fenêtres de diffusion, avec supervision humaine et mise à disposition des outils de reconnaissance de contenu aux ayants droit.

Plusieurs propositions pourraient être intégrées dès 2026 via les projets de loi sur le cinéma et l'audiovisuel ainsi que sur le sport professionnel. L'Arcom insiste sur la nécessité d'une « régulation agile et proportionnée » qui préserve les libertés fondamentales tout en répondant à l'urgence économique pour les chaînes, les plateformes légales et les organisateurs de compétitions.

L'Arcom appelle à passer d'un modèle essentiellement judiciaire à un dispositif administratif rapide, automatisé et coopératif, seul capable de suivre le rythme des pirates à l'ère du streaming et des réseaux privés virtuels.

Les demandes de l'Arcom de supprimer la force de chose jugée pour les sites miroirs, d'automatiser les blocages en direct sur le modèle britannique et italien, et d'obtenir le statut de signalant de confiance sous le DSA sont efficaces, proportionnées et indispensables. En revanche, déléguer au seul président de l'Arcom des pouvoirs de blocage sans contrôle judiciaire préalable, imposer une mobilisation trop large des VPN et créer de nouvelles infractions pénales spécifiques risquent d'être disproportionnés et contraires aux libertés fondamentales, sauf à prévoir un recours rapide et effectif ainsi qu'une définition très stricte des pratiques ciblées.