Politique
 

Lancement de la commission d'enquête parlementaire sur l'audiovisuel public

Frédéric SCHMITT
11 novembre 2025 à 23h56

L'Assemblée nationale a donné son feu vert à la création d'une commission d'enquête parlementaire dédiée à l'audiovisuel public, un outil constitutionnel qui promet d'éclairer les zones d'ombre du secteur.

Initiée par le groupe Union des droites pour la République (UDR) d'Éric Ciotti dans le cadre de son droit de tirage annuel, cette instance se penchera sur la neutralité, le fonctionnement et le financement des médias publics. Bien que la recevabilité ait été validée dès le 21 octobre par la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation, les auditions débuteront mi-novembre, marquant un tournant dans les débats sur la gouvernance audiovisuelle.

Cette commission émerge d'une proposition de résolution déposée le 26 septembre, motivée par des critiques récurrentes sur les dérives idéologiques présumées de l'audiovisuel public. Le rapporteur, Charles Alloncle (UDR), cible explicitement le bilan de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions, accusé d'un déficit cumulé de 80 millions d'euros sur trois ans. « N'importe quel patron d'une entreprise publique ou privée aurait été remercié avec de tels chiffres », a-t-il déclaré sur Le Figaro TV, annonçant des auditions doubles d'Ernotte - en ouverture et en clôture - dès le 18 ou 25 novembre.

L'UDR invoque des exemples concrets : les propos d'Ernotte affirmant vouloir représenter « la France telle qu'on voudrait qu'elle soit » plutôt que « telle qu'elle est », ou ceux de la directrice de France Inter assumant une ligne « progressiste ». Des cas comme l'éviction de Jean-François Achilli pour un échange présumé avec Jordan Bardella illustrent, selon les promoteurs, des failles en matière de neutralité. La commission examinera aussi les conflits d'intérêts et l'usage des 4 milliards d'euros annuels de budget public, dans un contexte de contraintes budgétaires.

Au-delà des finances, l'enquête vise à évaluer le respect des obligations d'impartialité, en s'appuyant sur des rapports comme celui de l'institut Thomas More, qui pointe des manquements au pluralisme. L'Arcom, régulateur, est scrutée pour son traitement asymétrique : sanctions contre CNews contrastant avec une indulgence perçue envers les publics. À gauche, les réactions sont vives : Emmanuel Grégoire (Socialistes) y voit une « mise en accusation politique », tandis qu'Aurélien Saintoul (LFI) dénonce une attaque contre un « pilier de la République », masquant les influences de groupes comme Bolloré.

Cette initiative s'inscrit dans une réforme plus large, avec un projet de loi organique sur le financement de l'audiovisuel public examiné le 19 novembre à l'Assemblée. Rachida Dati, ministre de la Culture, plaide pour une holding unifiant France Télévisions et Radio France, afin de préserver un modèle face aux plateformes étrangères.

Cette commission, limitée à six mois, rendra un rapport potentiellement influent, appelant à des audits indépendants et une charte renforcée d'impartialité. Comme les enquêtes passées sur la TNT, elle pourrait catalyser des changements, évitant une « fossilisation » du secteur. Reste à voir si elle apaisera les clivages ou les exacerbés, dans un contexte de défiance médiatique important.